Aperçu historique sur Figuig en général et sur l'Oudaghir en particulier...
Figuig se trouve mentionné par Ibn Khaldoun, dans la liste des ksour sahariens fondés par les Zénètes, en compagnie de Sidjilmassa, du Touat, du Gourara, Mzab, Ouargla.
Mais il ne parait pas avoir joué un rôle bien considérable dans les affaires du Maroc septentrional. Du moins, les archives et les traditions recueillies jusqu’à présent n’en font pas mention. Ces archives ne remonte qu’à l’apparition de l’Islam. Certaines prétendent que les Romains y eurent des établissements. Mais, jusqu’à présent, on a trouvé aucune de ces ruines qui, partout ailleurs, témoignent de cette occupation. Il est probable que sous le nom de Roum, elles désignent tout autre chose. |
A l’apparition de l’Islam, disent les Figuiguiens, sur toute la palmeraie de Figuig, étaient épars de petits groupes de cinq ou six huttes habitées par des Zénètes appartenant aux fractions suivantes : Outetaghir, Mossouh, Beni Abdel Ouadi, Beni Tadjine, Beni Yaloumi, Beni Matou, Beni Merine. Le tout était arrosé par la source Tzaadert49 (entre les ksour actuels de Oudaghir et de Zenaga). La palmeraie du col de Zenaga et celle de Beni-Ounif étaient occupées par d’autre Zénètes : les Beni Yadoun. Il y a environ un siècle, il existait encore à Zenaga des descendants de ces anciennes familles qui portaient le nom de Ouled Safi, Ouled Aïs sa, Ouled Salah, Ouled Bou Anani. Ces familles ont disparu depuis.
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Au IVe siècle de l’Islam, apparut une tribu qui semble avoir marqué d’une façon toute spéciale : les Oudaghir, appelés aussi, dans quelques manuscrits, Douaghers, Oultedghir. Ils étaient sous le commandement d’un certain Abderrahman El Cherif, idrissite échappé au massacre que fit, de ses parents, le fameux Moussa Bou Afïa.
Cette tribu n’arrivait dans la région de Figuig qu’après de longues pérégrinations, ayant erré un peu partout, vivant de rapines et de pillage. Ils descendirent, dit la légende, du Djebel Maïz dont une partie porte encore le nom de Sif El Oudaghir. Les principales fractions de cette tribu étaient les Oulad Arhar, Oulad Mimoun, Oulad Amran, Oulad Makhlouf. |
Tous ces Oudaghir, ou plutôt leurs descendants, se prétendent Cheurfa d’origine, prétentions forts exagérées et purement fantaisistes disent les autres Figuiguiens.
El Achmaoui dit que ces Oudaghir pouvaient armer 1200 cavaliers. Tout d’abord, ils vécurent en nomades, se contentant de venir à Figuig chaque automne. Plus tard, ils se fixèrent définitivement à Oudaghir, et, comme signe de renonciation à leur vie antérieure, ils bâtirent, dit la légende, une mosquée dont la charpente fut faite des montants de leurs tentes. (On montre encore une poutre de la mosquée d’Oudaghir qui serait un ces montants de tente). A ce moment apparurent d’autres Berbères de la famille des Senhadja. Ils arrivaient, dit la tradition orale, sous la conduite de Youcef Ben Tachefin, le fondateur de la dynastie des Almorávides. C’est eux qui, en répandant le doctrine coranique, rendirent courant, à Figuig, l’usage de la langue arabe. Ils arrivaient du Hoggar et en apportaient l’usage de se voiler la figure, comme le font encore les Touaregs actuels. Ils furent donc communément désignés sous le nom de Mouletimin (les voilés). Ces Senhadja Mouletimin étaient : les Beni Darit, les Ouled Hokkou, les Ilahianen, les Ifenzarin, dont les descendants existent encore. Les trois premières familles s’établirent dans la palmeraie du col. Les Ifenzarin bâtirent un ksar sur l’emplacement du Zenaga actuel. |
Nous avons vu les Oudaghir renoncer à la vie nomade et se fixer définitivement. C’en était fait de la paix à Figuig. La présence de cet élément perturbateur allait ouvrir une ère de luttes et de dissensions qui dure encore, les uns restèrent à Oudaghir et à Ouled Zian ou Mharez (ksar situé tout à côté d’Oudaghir, dont il ne reste plus que quelques ruines). D’autre descendirent dans la plaine et bâtirent un ksar : Taa^abet, en face du ksar des Ifenzarin. D’autre, les Ouled Azzi, se fixèrent à Beni-Ounif. Les Ouled Addi et Ait Smimen bâtirent, prés de celui de Beni-Ounif, un ksar qui prit le nom d’Aït Smimen. D’autres, enfin, occupèrent les palmeraies de Mélias, El Ardja, enlevées aux Oudema, Taghla, Tasra, Aïn-Sefra de la Zousfana. Parlant et agissant en maîtres, comme tous les nomades à l’égard des ksouriens, ils voulurent s’approprier toute l’eau de la source Tzaadert. Quelques années plus tard, ils entrèrent en lutte avec les Ouled Djerar, qui appartenaient à la secte abdite (schisme m’zabite), et s’emparèrent de leur ksar.
Leurs prétentions et leurs empiétements sur l’eau de la source de Tzaadert les mirent bientôt en guerre ouverte avec les Senhadja de la plaine, tandis que les habitants du col restaient étrangers à ce conflit. Les Zénétes du plateau y prirent une part active : les Beni Rrimmen tenant pour Oudaghir, les Beni Djermit tenant pour les Senhadja. |
A la fin du Vie siècle de l’hégire et au commencement du VIIe, selon les traditions orales, l’invasion hilalienne poussa ses avant-gardes jusqu’aux ksour du Moghreb el Aoussi.
Les premiers de ces hilaliens furent les Beni Ameur ben Zogba qui occupèrent la région jusqu’aux Beni Goumi (Taghit). Ils cultivèrent tous les maaders d’Aïn-Sefra au Guir. Ils fondèrent aussi, autour de Figuig, un certain nombre de ksour, aujourd’hui disparus : Mezzougha (Teniet Sidi Youssef), Aghlal (Defilia), Tmegherden (Oued El Hallouf), Djenan ben Harris, Fendi, Bou Yala, Noukila, Nakhlet ben Brahmi, El Aouedj, Mélias. Ces Beni Ameur intervinrent dans la lutte engagée entre les Senhadja et les Oudaghir, prenant parti pour ces derniers comme en témoigne un cimetière d’Oudaghir qui porte leur nom. |
En même temps qu’eux, arrivèrent de nouveaux Zénétes Beni Merine. Ceux-ci se fixèrent à Figuig même, plus particulièrement à Zenaga. La tradition a gardé le souvenir d’un épisode sanglant de la lutte engagée entre les deux partis qui divisaient Figuig. Un combat meurtrier et général s’engagea dans le haut du ruisseau de Tzaadert, entre les Senhadja, les Beni-Djemit, les Beni Merine, les Oudema d’une part ; les Oudaghir, Beni Krimmen et Beni Ameur d’autre part. |
Les Senhadja furent victorieux et s’emparèrent du ksar de Taazabet qui, nous l’avons vu, avait été édifié par les Oudaghir, en face du ksar des Ifenzarin (Senhadja) et la même tradition termine ainsi le récit de ce combat :
“ A la prise de Taazabet, un Ifenzari entra dans la mosquée, quarante enfants s’y trouvaient ; un taleb leur enseignait le Coran. L’Ifrenzari les égorgea tous sans pitié. Le taleb prit Dieu à témoin du massacre de tant de futurs tolbas, espoir de la religion ; il proféra l’anathème sur le meurtrier et sur ces proches les condamnant à ne jamais se multiplier. Et, de ce fait, dit la légende, depuis cette époque, jamais le nombre des Ifenzarin n’a dépassé quarante.” |
Pendant toute la durée du Vile siècle de l'hégire, les Oudaghir avaient joui d’une suprématie incontestée comme en témoignent toutes leurs petites colonies établies dans la religion.
A la suite de leur défaite de Taazabet, ils demandèrent secours au sultan Merinide de Marrakech. Celui-ci leur envoya un maghzen, les Djouaber, arabes hilaliens, amenés dans ce but de Malaga à Marrakech. Ils s’installèrent dans un bordj appelé khatataf dont les ruines existent encore prés du ksar d’El Abid et fondèrent un ksar appelé ksar Foukani. Leurs esclaves bâtirent à côté du ksar Tahtani. L’ensemble des deux ksour a pris, depuis, le nom d’El Aabid (des esclaves). Cet appoint rendit la supériorité aux Oudaghir et à leurs partisans, mais leur domination se fit lourdement sentir. Les Senhadja durent payer un fort tribut et furent soumis aux pires vexations. |
Lorsqu’un enfant naissait aux Djouabers, dit la tradition, Zenaga devait faire cadeau d’une esclave. Lorsqu’un Djebri mourrait, un Zenagui devait aussi être mis à mort. Les Zenaga furent dépouillés de toutes les propriétés qu’ils avaient dans l’oasis de Mélias et au environ de Figuig. Les Djouabers étendirent leur domination jusqu’à Bechar, où, aujourd’hui encore, leurs descendants sont en contestation avec les Ouled Djerir au sujet de propriétés qu’ils possèdent dans cette oasis.
Dans le courant du Ville siècle de l’hégire, Zenaga finit par faire la paix avec les Oudaghir en leur cédant la portion d’oasis appelé Takroumet. Un ksar y fut bâti par les Ouled Bou Bekeur, dont les descendants habitent de nos jours Zenaga et El Aabid. A cette même époque, la tradition fait remonter la création du ksar d’El Hammam par des Zénétes, les Ouled Ah ou Amar et Ouled Aïssa, et par quelques Beni Ameur. |
Au IXe siècle de l’hégire, arrive à Figuig un saint personnage : Sidi Amed Ben Moussa El Barzouzi, originaire de Barzouza, prés de Tlemcen. Il arrivait du Gourara et amenait, d’un ksar de ce pays nommé El Maïz, tout un contingent des Zénétes dont les descendants actuels sont les Ouled Sliman ou M’hammed, d’El Maïz. Il s’établit prés des ksour des Beni Krimmen et Beni Djemit et y bâtit un petit ksar. Les deux fractions s’entre-déchiraient pour la cause de Zenaga et Oudaghir.
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Peu à peu, sous la bienfaisante influence du marabout, elles se réconcilièrent et les trois ksour n’en formèrent plus qu’un seul qui, d’un nom des disciples de Amed Ben Moussa, fut appelé El Maïz. D’autres prétendent que ce nom qui signifie “ les chèvres ” vient du caractère capricieux et irascible des habitants. Quoiqu’il en soit, le ksar d’El Maïz paraît jouir d’une grande considération à Figuig. On évite d’en molester les habitants, sachant qu’il s’ensuivrait des représailles sérieuses. Il se dit couramment aussi, que “ toute querelle où il ne sont pas mêlés, à des chances de s’arranger à l’amiable, mais que dés qu’ils y interviennent, elle aboutit inévitablement à faire parler la poudre.”
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Au Xe siècle de l’hégire, les Beni Ameur, les premiers hilaliens venus à Figuig furent, à leur tour, expulsés dans des circonstances assez obscures. La légende veut que ce soit par suite de la malédiction jetée sur la fraction la plus importante d’entre eux, les Ouled Abdelhak, par Sidi Ahmed Ben Mejdoub, un des fils du grand saint Si Sliman Bou Smaha, en punition d’un rapt.
Pendant ce temps, Zenaga se peuplait par l’arrivée successive des Ouled Brahim, originaires du Mzab ; des Ouled Kadi, Harratin ; des Beni Ameur ; des Ouled Sellam venus d’El Ghassoul (actuellement cercle de Géryville) ; des Ouled Hammou, de Bou Semghoun ; les Ouled Abdelhak, du Mzab ; des Ouled Amar venus des Ait Serrouchen ; des Ouled Bourras, originaires D’Asla ; des Mrazga, Harratin de Marrakech. |
Au Xe siècle, dit la tradition, les gens de Zenaga s’étant réunis à ceux de Beni-Ounif prirent et détruisirent le ksar de Ait Smimen que nous avons vu bâti tout à côté de Beni-Ounif par des Oudaghir. Les Ouled Sliman et les Ouled Addi qui l’habitaient se retirèrent au delà du col. Les Ouled Addi se réfugièrent chez les Zénètes d’El Hammam. Les Ouled Sliman trouvèrent un asile au ksar de Taoussert qui, fondé par les Oudema, s’était peu à peu accru de toutes sortes d’éléments : des Mzabites (Ouled Hassoun et Ouled Yahia), des Ouled Amar (Ait Tserrouchen). Les Ouled Sliman virent y apporter un élément de trouble et de discorde comme paraissaient l’avoir fait partout jusqu’alors les Oudaghir dont ils descendaient. Après de longues luttes intestines, ils finirent par avoir le dessus et donnèrent leur nom au ksar.
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A la fin du Xe siècle, Figuig présentait donc, très sensiblement, la physionomie qu’il a de nos jours. Toutes les petites “ dechras ” de cinq ou six huttes s’étaient groupées en ksour.
La palmeraie du col de Zenaga était à peu prés vide d’habitants (depuis elle est complètement vidée). Dans la plaine, les Senhadja groupés dans le ksar de Zenaga, après absorption de Taazabet. |
Sur le plateau, les Zénètes, ayant à leur tête les Oudaghir renforcés de quelques éléments arabes, les Djouabeur, groupés comme il suit :
1° Ksar d’El Maïz, comprenant les trois agglomérations Zénètes primitives (Beni Krimen, Beni Djemit, Beni Sekkoun) ; 2° Ksar d’El Aabid : ksar Foukani (des arabes Djouabeur) ; ksar Tahtani (des esclaves) ; 3° Ksar des Ouled Sliman, composé d’éléments disparates en majorité Zénètes ; 4° Ksar d’Oudaghir, composé de Zénètes : Ouled Djerar; Oudaghir ; 5° El Hammam, composé de Zénètes fondateurs d’Oudaghir refoulés de la plaine de Beni-Ounif. Puis deux petits groupement disparus depuis : Le ksar Mharza, formé d’Oudaghir et qui devait peu après être absorbé par l’agglomération principale ; Le ksar Hannoun habité par des Gourariens. La plaine de Beni-Ounif ne contenait plus que le ksar du même. On a vu que les Djouabeur, arabes, protecteurs des Zénètes étaient rapidement devenus leurs oppresseurs. |
Au Xle siècle de l’hégire, Zénètes et Senhadja, également fatigués de ce joug, firent cause commune. Il est bien probable aussi que le départ des Beni Ameur (arabes) laissant les Djouabeur isolés, ne dut pas peu contribuer à les dépouiller de leur prestige et à enhardir leurs vassaux.
Le résultat de l’alliance conclue entre les Oudaghir et Zenaga fut la prise du ksar des Djouabeur et la reprise de tout ce qu’ils avaient usurpé. L’eau de Tzaadert fut partagée par moitié entre Zenaga et Oudaghir ; mais l’ennemi commun chassé, la brouille éclata de nouveau entre Zénètes et Senhadja. Le ksar des Senhadja (Zenaga) s’augmentait de toutes sortes d’éléments étrangers qui, dans la terre d’alluvions de la plaine de Bagdad, trouvaient toujours un emplacement à bâtir, un jardin à cultiver et à arroser, soit au moyen de puits, soit par la dérivation des eaux de la pluie descendant des montagnes. Les ksour Zénètes, au contraire, approchés à la lisière de leur plateau ne pouvaient s’étendre sur cette hammada aride et rocheuse. C’est ainsi que d’année en année, arrondissant leur domaine, les Zenaga s’emparèrent, au Xlle siècle, successivement de tous les palmeraies qu’avaient eues les Beni Ameur et les Djouabeur : Mélias, Nakhlat Ben Brahmi, Djenan ed Dar, El Aouedj, Tasra, ainsi que de la plus grande partie de la source Tzaadert. |
Depuis cette époque (XVIIIe et XIXe siècles de notre ère), l’histoire de Figuig est uniquement constituée par les luttes que soutiennent entre eux les deux populations Zénètes et Senhadja. Le récit en serait obscur et sans intérêt, car la physionomie générale de Figuig n’en a pas été changée. La tradition conserve seulement le souvenir de trois combats successifs entre El Maïz et Zenaga où ceci aurait eu le dessus, et d’une famine épouvantable qui en 1187 de l’hégire, dépeupla Figuig, où les habitants mangèrent les ânes, les cadavres des animaux et même de la chair humaine.
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Source : Bulletin trimestriel de géographie et d'archéologie
Volume 1907-8, tables 1898-1907
Oran-Algérie
Volume 1907-8, tables 1898-1907
Oran-Algérie